Débat autour du livre Marseille en Mai 68 et les années de rêves - Maupetit Libraire

Rencontre en présence de l'auteur et de témoins du joli mois de Mai marseillais.

Mi avril sort le livre de Sebastien Barles sur les années de rêves à Marseille autour de Mai 68. Ce livre s'appuie sur les témoignages d'acteurs locaux du joli mois de mai marseillais et aixois : Christian Bruschi, Paulette Coquillaud, Bernard Charrier, Dany Cohen, Samy Johsua, Babette Johsua, André Jolivet, René Massi, Bernard Mounier, Liliane Nasser, Gérard Perrier, Yves Salesse et Jacques Soncin.

Vous pouvez commander un ouvrage en contactant l'editeur, en passant par votre libraire préféré ou en participant aux débats qui seront organisés prochainement sur Marseille et Aix comme celui ci à la librairie Maupetit.

"Je suis né en 1973 quelques jours avant le coup d'État de Pinochet au Chili et entre les grands rassemblements du Larzac et de Lip à Besançon. À la charnière entre les années de rêves et le ressac préfigurant les années de plomb de la fin de la décennie 70.

Ma génération a été celle du reflux des grandes espérances de transformation du monde. Génération Mitterrand, dont l'élection est « l'ombre portée de Mai 68 » (comme le dit joliment Samy Johsua), nous avons subi cette gauche qui se fracasse sur le réel à l'épreuve du pouvoir. Nos luttes se sont polarisées sur la défense d'acquis sociaux, la lutte contre certaines régressions sociétales et aussi, en ce qui me concerne, autour de la lutte contre le FN et ses avatars en particulier à Nice (où le maire, Jacques Peyrat, transfuge du FN, avait promulgué un arrêté anti-mendicité ordonnant la « déportation» des SDF sur une colline de la ville).

Mai 68 est pour moi, avec la Commune, l'un des plus beaux « orgasmes » de l'histoire contemporaine. Il est aussi la marque d'une rupture historique ayant entraîné dans son sillage les joyaux de la contre-culture. Mai 68 est arrivé alors que la France paraissait paisible, jusqu’à sembler s'ennuyer comme l'avait titré quelques semaines auparavant l'éditorialiste du journal Le Monde. C'est bien la preuve que l'histoire progresse au gré d'aléas et de ruptures imprévisibles.

Marseille et le département sont en 1968 sous l'influence quasi-hégémonique du PCF et de la CGT qui tient notamment le port qui compte encore plus de 4.000 dockers.

À côté d'un PCF hégémonique, le printemps 68 va voir sur la scène marseillaise l'émergence d'un mouvement en gestation depuis 1965 avec des membres d'obédience anarchiste ou syndicalistes-révolutionnaires (membres notamment de l'École Émancipée ou de la CNT – des réfugiés espagnols), de petits groupes récemment détachés du PCF et de l'UEC qui se répartissent entre courants trotskistes (Jeunesses communistes révolutionnaires- JCR- et « Groupe 66 » à Marseille) et maoïstes (avec notamment l'Humanité Nouvelle d'obédience marxiste- léniniste et issue de Marseille). Le PSU et sa jeunesse chrétienne jouera également un rôle clé à Marseille et à Aix en 68.

Enfin, nous verrons que, comme partout en France, beaucoup de militants acteurs du printemps marseillais se sont formés dans l'opposition à la guerre d'Algérie pour les plus anciens et surtout dans les Comités contre la guerre du Vietnam.

On trouve chez les militants de la génération 68 une abnégation et une foi absolue pour changer le monde jusque chez les « établis » qui décident de mettre en pratique leurs convictions en allant au plus près du monde ouvrier.

Cette force et cette envie de cohérence absolue, on la retrouve par exemple aujourd'hui chez les zadistes ou chez les acteurs de la transition qui inventent d'autres modes de vie pour la société post-croissance qui s'impose face aux impératifs écologiques et à l'explosion des inégalités sociales.� Cette filiation entre les générations est bien réelle. C'est aussi cela l'héritage de Mai 68 et de ces années de rêves.� Le monde a beaucoup changé en 50 ans. Il n'y a plus la certitude d'un « sens de l'histoire », mais il existe encore tant de raisons de se révolter, tant de champs des possibles à explorer, tant d'expérimentations à réaliser pour inventer un monde meilleur."