Rendu compliqué par l’expulsion d’Henri de son atelier par la SNCF en août dernier, l’ESEL reste un lieu fédérateur dans le quartier. Voisins, graffeurs et jeunesse errant sur la petite ceinture en quête d’aventure se retrouvent autour des jardiniers et de l’atelier, et y rencontrent architectes, botanistes et anthropologues. Tous sont curieux de cet espace parisien encore sauvage qui permet des activités étonnantes en lien avec la faune et flore qui s’y installe. Henri et Léo, aidés de leurs collègues et voisins y répertorient et documentent les usages; graffiti, barbecue, réparation de vélo, chasse au trésor ou encore concours de cosplay, mais aussi ceux des animaux, des insectes et des végétaux qui re-colonisent à leur rythme l’espace. Toute cette diversité contribue pour eux au “Genius Loci”, l’esprit des lieux. Ce qui fait de ce jardin un lieu à part, unique, habité. Ces recherches sont une réponse pratique à des questions d’aménagement qui tiennent du cas d’école, à savoir: comment faire exister un jardin potager dans un lieu stérilisé et pollué, où l’absence de surveillance et d’autorité rend toutes les pratiques humaines possibles, mais surtout incontrôlables.
Il y développent alors un art de jardiner subversif, hybridant des savoir-faires anciens pour recréer des sols ou organiser les gravats, se jouant du fascinant et du repoussant, du sauvage et du domestique pour cohabiter avec les multiples usages de l’espace.
Il s’agit de trouver comment protéger les plantations et leur croissance, mais surtout de donner l’envie à tous de regarder différement ce lieu et d’en prendre soin.
Ce lieu aujourd’hui en cours d’aménagement de façon plus officielle, les jardiniers y questionnent l’homogénéisation et la gentrification d’un espace qui avait échappé à toutes formes de planification urbanistique.
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Léonard Nguyen Van Thé :
Jardinier, formé à l’école d’horticulture du Breuil et de Montreuil, il axe ses recherches sur les systèmes de parc nourricier par le jardinage subversif. Il se fait guérillero jardinier et agriculteur urbain, travaillant sur des territoires délaissés et complexes : dalle Maurice Thorez à Bagnolet, Ferme du Bonheur à Nanterre etc. Ses connaissances du végétal et techniques de jardinage y sont alors des outils militants de démonstration des enjeux agro-écologiques en ville. Pour s’adapter aux contraintes matérielles et juridiques des lieux, il réemploie des techniques traditionnelles : un savoir-faire de murailler pour recycler des gravats, des compétences de plesseur, de génie végétal et maître composteur pour recréer des sols dans des lieux pollués ou rendus stériles. Co-fondateur de l’Ecole Spéciale des Espaces Libres, la petite ceinture est le lieu où il pousse ses expérimentations autant jardinières que sociales au plus loin, jouant du fascinant ou deu repoussant, testant les associations et partenariats les plus inattendus, mais toujours efficaces pour faire perdurer le jardin.
Henri Taïb
Fils d’un ingénieur des Ponts et Chaussées évadé de guerre, initié très jeune aux traditions de commentaires de la Torah en même temps qu’à la médecine par le Dr. Albert Kokos, la multidisciplinarité, la critique et le bricolage des systèmes seront toujours les parties prenantes du travail d’Henri. Il passe un CAP de projectionniste des Armées ainsi que de Nucléaire, Bactériologique et Chimique à Montpellier puis obtient son diplôme des Beaux Arts de Cergy en Humour et Créativité. Il participe aux Laboratoires Objet, Espace, Intelligence, Langage, et d’Art et Cognition aux côtés de Bernard Stiegler des éco-artistes Louis Bec et Christian Soucaret, assisté du roboticien Arab Ali Cherif, devient assistant de Bernard Venet à New York, apprenti fourreur, luthier électronique et soundscape designer. Installé dans son atelier rue Florian. il y passe ces dernières années à enquêter sur l’histoire du quartier, fonde l’association de la Flèche d’Or et en devient le président. Il rencontre Léonard Nguyen Van Thé en jardinant au Père Lachaise. Les techniques du jardinier et les recherches de l’artiste sur les usages de la flore et faune locale sont à l’origine de L’Ecole Spéciale des Espaces Libres (ESEL), et son jardin expérimental, archéologique, pédagogique.
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Entrée Libre, Réservation conseillée à
[email protected] ou au 01 53 56 15 90
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