Après-midi "Jeunesse perdue et BO culte" - cinéma L'univers

C'est la première journée thématique de l'année ! Afin de commencer cette nouvelle saison sous les meilleurs auspices, nous vous invitons à venir faire un tour du côté du Nouvel Hollywood, pour ce qui ne sera probablement pas notre dernière virée vers cette époque adulée des années 70 où sont sortis tant de films cultes qui ont cristallisé notre cinéphilie.

Mais le Nouvel Hollywood, qu'est-ce que c'est ? Pour la faire courte, c'est l'intitulé légèrement pompeux qu'on attribue à une période située au tournant des années 70, durant laquelle les moyens de production et les codes narratifs du cinéma américain traditionnel connaissent des transformations drastiques. Dans un pays au sommet de sa puissance et pourtant enlisé dans un conflit dont personne ne veut, confrontées à une économie capitaliste agressive qui se dirige vers sa seconde grande crise majeure et largement exposées au mouvement hippie, les jeunes générations ne se reconnaissent plus dans un cinéma classique ampoulé, politiquement correct et tourné en studio, qu'elles considèrent déconnecté de la réalité.

À la disparition du code Hays en 1966, apparaissent alors de nombreux jeunes turcs qui se mettent bille en tête à défier les modèles et les conventions en produisant un cinéma violent, aride et cynique, qui déconstruit les codes pré-établis et n'hésite pas à aborder de front des sujets autrefois polémiques tels que le sexe et la religion. Symboliquement, ce Nouvel Hollywood est inauguré par deux films sortis en 1967, le "Bonnie & Clyde" d'Arthur Penn (ou la désacralisation du rêve et du territoire américains par deux psychopathes sexuellement frustrés) et "Le Lauréat" de Mike Nichols, qui sera donc le premier film de ce soir.

Beaucoup a déjà été dit sur "LE LAURÉAT", bien placé sur la liste des films à voir absolument par de nombreux instituts depuis plusieurs décennies, et on ne saurait s'en plaindre. Récit générationnel par excellence, le film suit le quotidien maussade de Benjamin, un jeune homme tout juste sorti des études et qui erre entre la chambre et la piscine, dans la résidence familiale de Californie. À l'occasion d'une soirée, il est abordé par une amie de ses parents, Mme Robinson, dont les avances ne tardent pas à se faire sentir. D'abord réticent, Benjamin finit par se laisser séduire par cette femme manipulatrice de deux fois son âge, et ils entretiennent une liaison secrète qui le questionne sur son avenir et son libre-arbitre. Les choses se compliquent encore davantage quand Benjamin tombe amoureux d'Elaine, la fille des Robinson, fraîchement revenue de Berkeley...

Mike Nichols, cinéaste précieux des années 70 ("Qui a peur de Virginia Woolf" ?, "Ce Plaisir qu'on dit Charnel") et qui s'est largement égaré à partir des années 80, a remporté l'Oscar du meilleur réalisateur pour ce second film (!) qui marqua durablement le public international. En effet, tous les éléments y sont réunis pour choquer les morales contemporaines : un protagoniste qui brille par sa passivité, une relation amoureuse purement physique entre deux personnes de différentes générations, et surtout le rejet des règles imposées à Benjamin, de ses choix de carrière prédéfinis par ses parents à l'interdiction par Mme Robinson de fréquenter sa fille. Il est donc peu surprenant que le jeune public s'identifie instantanément à ce personnage inerte, tiraillé de toutes parts, qui ploie sous les valeurs et les désirs contradictoires de la génération précédente jusqu'à tenter de trouver sa propre voie, interprété par un Dustin Hoffman catapulté star planétaire du jour au lendemain et qui s'imposera rapidement comme un acteur central sur plusieurs décennies. Enfin, rappelons si besoin était que la bande-son du film, entièrement composée par Simon & Garfunkel, a eu elle aussi son impact culturel puisqu'elle est devenue l'une des plus reprises de l'histoire du cinéma.

Assez similaire dans son sujet et pourtant largement moins connu, "HAROLD & MAUDE" est un curieux objet cinématographique, moins académique et plus « expérimental » que Le Lauréat. L'intrigue, elle aussi fameuse, a heurté les esprits : Harold, un jeune homme au physique frêle et au teint livide, s'ennuie à mourir dans la luxueuse résidence de sa mère qui ne sait quoi faire de lui et l'oblige à rencontrer des jeunes femmes afin de se marier et de se lancer dans la vie. Pour passer le temps, Harold, fasciné par la mort, simule les suicides à tout-va et s'invite aux enterrements d'inconnus. C'est là qu'il fait la connaissance de Maude, une septuagénaire hippie et délurée, avec qui il va forger une amitié inattendue et incomprise, et plus encore...

Difficile de comprendre la réputation modérée, pour ne pas dire quasi-inexistante, de ce film excessivement drôle et touchant. Encore aujourd'hui, le spectateur inaverti est peut-être choqué par cette histoire d'amour, sentimentale et physique, entre deux personnes que presque 60 ans séparent – et c'est là tout le sujet des films de cette époque. Non seulement "Harold & Maude" parle de bien d'autres choses (l'oisiveté d'une jeunesse contrainte par ses aînés, le refus des valeurs chrétiennes et militaires de l'Amérique conservatrice...) qui font de lui le parfait petit frère hyperactif du "Lauréat", mais il traite de tout cela avec une subtilité et une délicatesse exemplaires. La réalisation d'Hal Ashby, également auteur de "La Dernière Corvée", est fraîche et originale, et apporte à un script risqué une légèreté inattendue, dont la forte teneur en humour noir et l'imagerie macabre préfigurent à peu près tout le cinéma de Tim Burton.

À noter que, tout comme "Le Lauréat", la bande-son du film est entièrement composée par un artiste très représentatif des années 70, en l'occurrence Cat Stevens. Je préviens parce que ça peut devenir un peu oppressant pour certains.

Comme d'habitude, les films sont projetés en VOST. Une petite restauration sur place est proposée et les spectateurs qui le souhaitent sont invités à rester discuter des films après la séance, dans une ambiance informelle et bon enfant. À bientôt !