Dora Maar - Centre Pompidou

Du au

De 11h00 à 21h00

Centre Pompidou

Place Georges Pompidou,
75004 Paris

« À Dora aux visages divers et toujours beaux. » La dédicace qu’adresse Lise Deharme à son amie Dora Maar dans un exemplaire du Cœur de Pic (1937) résume poétiquement les diverses facettes de sa carrière artistique : entre photographie et peinture, entre révolte surréaliste de jeunesse et introspection existentielle marquant son parcours de peintre après la Seconde Guerre mondiale.

Avec la collaboration du J. Paul Getty Museum et le partenariat de la Tate Modern, l’exposition organisée par le Centre Pompidou a pour but de mettre en lumière pour la première fois dans un musée national français l’œuvre de Dora Maar en tant qu’artiste, et non uniquement comme muse et maîtresse du peintre espagnol Pablo Picasso. Alors qu’elle reste pour beaucoup le modèle de La femme qui pleure, Dora Maar bénéficie néanmoins depuis un certain temps d’une réception critique et d’une reconnaissance au sein des études dédiées au surréalisme et à la photographie. À ce titre, plusieurs expositions organisées par le Musée national d’art moderne, « Explosante fixe » ou encore plus récemment « La Subversion des images » et « Voici Paris » accordaient une place privilégiée à l’activité surréaliste de Dora Maar, au travers de ses photographies énigmatiques telles le Portrait d’Ubu ou encore Le Simulateur, photomontage entré dans les collections dès 1973. Le don du Simulateur inaugure l’intérêt constant du Centre Pompidou pour l’œuvre photographique de Dora Maar. Les années 1980 et 1990 sont marquées par diverses acquisitions complétées en 2011 par l’entrée de dix tirages de la collection Bouqueret. En 2004, l’achat de son fonds d’atelier, composé de quelque mille huit cent quatre-vingt-dix négatifs et deux cent quatre-vingt tirages contacts fait de l’ensemble conservé au Musée national d’art moderne une des plus importantes collections publiques de l’œuvre de Dora Maar. La numérisation récente de ses négatifs rend désormais accessible ses travaux à un large public de chercheurs et d’amateurs. Parmi les grands fonds de photographes conservés dans les collections – Brancusi, Brassaï, Eli Lotar, Man Ray –, Dora Maar est la seule à ne pas encore avoir fait l’objet d’un projet de valorisation d’ampleur. Grâce à des archives inédites et à une collaboration scientifique étroite entre les équipes de conservation du Centre Pompidou et du Getty, la rétrospective Dora Maar retrace le parcours de cette artiste indépendante à travers plus de quatre cents œuvres et documents : de ses premières commandes pour la mode et la publicité, en tant que photographe de studio, à ses engagements politiques dont témoignent ses photographies de rue, en passant par sa participation au surréalisme et sa rencontre avec Picasso. Enfin, l’exposition nous offre un éclairage particulier sur son œuvre de peintre, activité à laquelle elle s’est consacrée pendant près de quarante ans.

À l’instar de ses consœurs Laure Albin Guillot, Rogi André, Nora Dumas ou encore Germaine Krull, actives comme elle dans l’entre-deux-guerres, Dora Maar appartient à cette génération de femmes qui s’émancipent professionnellement et socialement au travers du métier de photographe, alors en plein renouvellement avec le développement de la presse illustrée et de la publicité. Dora Maar se forme à la photographie à la fin des années 1920 après des études d’art graphique au Comité des dames de l’Union des arts décoratifs. Privilégiant le travail en studio comme son mentor Emmanuel Sougez, elle s’associe avec Pierre Kéfer, décorateur de cinéma, de 1931 à 1935. « Kéfer-Dora Maar » devient le nom et le crédit officiel du studio présents sur les tirages et les publications de l’époque, y compris lorsque Dora Maar ou Pierre Kéfer travaillent chacun de leur côté sur des projets. L’entregent de Kéfer leur permet de se spécialiser dans le portrait, la mode ainsi que l’illustration publicitaire pour le secteur cosmétique. L’exposition accorde ainsi une place centrale à Dora Maar, photographe professionnelle, douée d’une inventivité alliant une redoutable maîtrise technique et le déploiement d’un univers onirique, louée par ses contemporains.

« Si attentive qu’elle soit à étudier la matière de quelques objets de choix, des fleurs, des coquillages, de tous les fruits de la terre et de la mer, Dora Markovitch est encore plus attirée par les spectacles de la rue », note le critique Jacques Guenne dans L’Art vivant en 1934. En parallèle du studio, Dora Maar diversifie en effet sa pratique en descendant dans la rue, à l’affût de scènes insolites, énigmatiques et parfois documentaires. À partir de 1933, Dora Maar photographie la jeunesse populaire des Ramblas de Barcelone, la Zone, quartier paupérisé et marginalisé, à Paris, ainsi que les laissés-pour-compte de la société anglaise. Ces incursions hors du studio coïncident avec son engagement politique et son attention aux différences sociales l’amenant à signer et à rédiger quelques manifestes auprès de divers réseaux : celui de Georges Bataille, celui du Groupe Octobre mené par Jacques Prévert et Louis Chavance ainsi que celui de la section photo de l’AEAR (Associations des écrivains et artistes révolutionnaires, fondée en 1932). Elle expose aux côtés des photographes – Henri Cartier-Bresson, Nora Dumas, Germaine Krull, Jacques Lemare, Eli Lotar, René Zuber entre autres – de l’association militante à l’occasion de l’exposition « Documents de la vie sociale » en mai 1935 organisée à la galerie de la Pléiade. Cet engagement politique en faveur de l’antifascisme la rapproche également des surréalistes avec qui elle entame une complicité intellectuelle et artistique vers 1933. Une des photographies qu’elle prend de l’atelier Giacometti sera publiée dans L’Amour fou de Breton en 1937. Sous le sceau du surréalisme, Dora Maar fusionne l’art et la vie invitant les surréalistes à poser dans son studio du 29 rue d’Astorg, qu’elle tient désormais seule, et entretient des amitiés fortes, notamment avec Paul Éluard et sa compagne Nusch. Faisant sien l’inconscient, la quête du monde intérieur, Dora Maar met sa technique au service de multiples photomontages et de photographies énigmatiques tel le 29, rue d’Astorg ou encore le Portrait d’Ubu et Le Simulateur, tous deux présentés lors de plusieurs expositions surréalistes à partir de 1935.

C’est ce même réseau surréaliste qui lui fait rencontrer Pablo Picasso, entre la fin 1935 et le début 1936, selon les sources. Dora Maar photographie Picasso en premier dans son studio rue d’Astorg puis initie le peintre à des expérimentations en chambre noire donnant lieu à la fameuse série des clichés verre comme s’en rappelle Dora Maar dans un entretien avec l’historienne Victoria Combalia en 1995 publié dans Artpress (n°199) : « C’est lui qui en a eu l’idée. Je lui ai montré la technique, il a peint les plaques. ». Leur complicité les mène à collaborer au printemps 1937 autour de Guernica, commande du gouvernement républicain pour le pavillon espagnol de l’Exposition universelle à Paris. Révélant le processus de création de la fameuse toile, Dora Maar en photographie les diverses étapes pour Christian Zervos, directeur de la revue et de la galerie Cahiers d’art. La publication dans des revues internationales assure une large diffusion médiatique de la toile et de son message.

La fascination mutuelle des deux artistes les conduit à entretenir une liaison de près de huit ans entre 1936 et 1943. Pendant ces années, Dora Maar se réinvente sur le plan artistique. Si elle expose encore des photographies en 1939, la peinture prend de plus en plus de place dans ses recherches. D’abord inspirée par Picasso, elle trouve son style durant l’Occupation dans des peintures intimes, empreintes d’un sentiment de solitude et de gravité propre à la période. Plus tard, après une expérience poétique avec André du Bouchet pour le recueil Sol de la Montagne, Dora Maar se dédie à un travail sur le paysage l’amenant vers une abstraction gestuelle à partir de la deuxième moitié des années 1950. Jusqu’à la fin de sa vie, Dora Maar peint, écrit, dessine, étudie sur le motif, expérimente mais ne montre pas son travail et expose encore moins, partageant sa vie entre ses ateliers de Paris et de Ménerbes, village du Luberon. La dispersion de son atelier à partir de 1998 a offert aux amateurs et spécialistes une fenêtre éphémère sur cet aspect méconnu de sa carrière de peintre et notamment son retour surprenant à la photographie au cours des années 1980. Avec les moyens qui lui sont accessibles, elle réalise des photographies sans appareil, des photogrammes avec ses gestes de peintre ; des dessins de lumière symbolisant la réconciliation de ces deux modes d’expression qui lui sont chers.

Damarice Amao et Karolina Ziebinska-Lewandowska
Commissaires de l’exposition
In Code couleur n° 34, mai-août 2019, p. 16-21

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