Karl et Franz Moor sont frères. Franz, le plus jeune, déteste Karl et lui envie son héritage qui lui revient de droit. Karl décide de quitter le nid familial en laissant à son frère le soin de s’occuper de sa bien-aimée Amalia. Pour garder le pouvoir Franz profite de l’éloignement de son frère et réussit à le faire passer pour mort ... Le père ne s’en remet pas et meurt... mais pas tout à fait, malheureusement. De son côté Karl devient le capitaine d’une bande de brigands et héros du «Sturm und Drang» il tue, pille, viole à travers les forêts germaniques jusqu’au jour où, comme surpris par sa propre capacité de nuisance, pris de remords, il devient défenseur des opprimés contre le pouvoir féodal et se met en tête de combattre ceux qui ont fait de lui un être sanguinaire. Sans qu’il le sache, celui qu’il doit affronter n’est rien d’autre que son frère Franz. Mais rapidement les choses se compliquent, l’être de raison se réveille en Karl et il décide de revenir au château de son père... C’est une histoire de famille et un thriller, à la fois un drame bourgeois et une tragédie. Nous sommes au Siècle des lumières entre la Révolution américaine et la Révolution française. Le capitalisme d’Adam Smith connait ses balbutiements, l’esclavagisme bat son plein et le peuple souffre de faim. 30 ans après la publication des Brigands, Madame de Staël dans De l’Allemagne (1813) pose les conditions du drame nouveau outre-Rhin : le lyrisme devra s’y mêler au dramatique ! Et elle ajoute : «Le but de l’art n’est pas uniquement de nous apprendre si le héros est tué ou s’il se marie.» En 1880, Dostoïevski écrit Les frères Karamazov, un drame spirituel, existentiel où l’influence de Schiller se fait sentir non seulement à travers les idées, mais dans le style abrupt. Nous sommes alors dans une Russie nihiliste qui verra naitre la révolution russe... ce fût son dernier roman. Fuir, vivre des expériences fortes, voilà le classique chemin initiatique d’un jeune homme en colère. Sauf que Karl passe un cap. Ce sera le meurtre, le grand banditisme, une sorte de terrorisme puéril et violent, une purge aussi. Quitter son train-train quotidien vide de sens pour revenir régénéré, voilà un rite tribal peut-être aussi vieux que l’humanité. Mais Karl n’est pas un Spring Breaker* banal. Sa radicalisation se fait autour d’un imaginaire barbare. Il s’engouffre dans un marché global de la terreur et cherche une cause, un label, un grand récit pour y apposer la signature sanglante de sa révolte personnelle. À lui tout seul, il est à l’avant-garde d’une guerre à venir, ou au contraire il représente les ratés d’un borborygme de l’histoire. Franz, lui, s’installe dans la terreur officielle, celle de l’Etat qui n’accepte aucune contestation.
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