"Papa n’est pas content, Papa va tirer.»
C’est ainsi que Léo Ferré s’adressait à sa guenon Pépée, le jour où elle avait capturé un bébé dans une poussette, et l’avait brandi au-dessus du vide perchée sur la tour du château des Ferré.
Et puis, il y a eu l’installation dans un manoir austère et perdu dans une forêt du Lot.
Et puis, il y a eu d’autres animaux, une cinquantaine, qui circulaient et chiaient librement partout dans le château.
Et puis, la femme du chanteur mourait à petit feu entre l’alcool et la dépression.
Et puis, Pépée était devenue une enfant chimpanzé tyran.
Et puis, la sublime déraison s’installa définitivement.
Et puis, Mathilde dit au chasseur de tuer Pépée et tous les animaux.
Et puis, Léo Ferré rentra dans sa maison et tous les animaux gisaient mort.
Et puis, Léo Ferré fit la chanson Pépée.
Il parait que t’avais les mains comme des raquettes, Pépée ?
Mais quand je te faisais les ongles, je voyais des fleurs dans ta barbiche.
Tout ça, d’après Léo Ferré, bien sûr. Et Tina Charles est assez d’accord.
Historiquement parlant, les animaux étaient là bien avant les êtres humains.
Que faire de cette antériorité ? Quelque part, on a une dette vis-à-vis d’eux et de leur manière de nous avoir préparé le terrain.
Si l’on veut être caricatural, on dira d’une bête que c’est soit de l’affection facile, soit de la terreur, soit de la bouffe. Mais surtout, c’est autre chose.
«Le piège à loup (version collector mélomane)» est une fable-performance entre Daktari et Jean de La Fontaine. Mais ici, l’animal n’ est ni blessé, ni hâbleur ; il est carrément mort. Alors que reste-t-il à dompter, au juste ? La chose.
Le dompteur-mélomane ne voit pas qu’il est mort, il ne sent pas qu’il est mort, mais il le sait très bien.
Il montre à tous son savoir-faire pour se l’expliquer à lui-même.
Ce qui le ramène à fouetter les mythes, à grands coups et au hasard : le souvenir, la conjuration du sacrifice, les bouts de bon sens agglutinés dans la dépression, les romances rabâchées, des restes de rigolade et du disco…
Le dompteur est dans le même état d’esprit que Dieu les jours précédents la Création ; à se demander ce qu’il pourrait bien foutre avec seulement le Rien comme matière première.
Foutons la paix à Dieu et aux animaux. La gueule posée dans la pâtée, la mort n’obéit pas.
Et le public a beau rire, je ne plaisante pas.
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