La Demande en mariage - La Station Théâtre - La Mézière

Pièce d’Anton Tchekhov, traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan Mise en scène de Valéry Forestier, avec Sabrina Amengual, Jean-Pierre Artur, Benjamin Bernard Lomov et Tchouboukov sont deux gentilhommes campagnards dont les terres se touchent. Lomov se rend chez Tchouboukov pour lui demander la main de sa fille Natalia. Les trois protagonistes aspirent à cette union mais la conversation dégénère très vite. À qui appartient le Petit Pré aux bœufs ? Le chien de Lomov est-il meilleur à la chasse que celui des Tchouboukov ? Sur un rythme effréné, les familiarités s’enchaînent entre un Lomov hypocondriaque et des Tchouboukov hystériques qui passent des insultes les plus vexantes aux compliments les plus ridicules pour tenter malgré tout de conclure le mariage. Tchekhov n’a pas encore écrit ses grandes pièces lorsqu’il compose cette « plaisanterie en un acte ». Il vient cependant de publier La Steppe, renommée pour ses minutieuses et authentiques descriptions de paysages et va bientôt enquêter sur l’île aux bagnes de Sakhaline. Prendre « Le Pré aux bœufs » pour fond de toile naturaliste et la querelle de La demande en mariage pour un précipité de questions existentielles serait commettre un contre-sens. Valéry Forestier a donc choisi de traiter la pièce de manière physique et burlesque. Avec des personnages que la possession, la richesse et l’égo ont rendus incapables d’imaginer un absolu, prisonniers d’un monde pathétique où l’avoir a remplacé l’être, et tandis que nous guette la tragédie du conformisme, de la violence, de la classification et de l’état sanitaire permanent, Valéry Forestier imagine que cette comédie est celle de notre espèce toute entière. Le théâtre reste une possibilité de concentrer dans la démesure et le grotesque toute cette folie pour mieux nous en faire sentir l’absurdité et le risible. C’est pourquoi il fera jouer les acteurs dans un abattoir familial de campagne, se tuant les uns les autres avec tout ce qui leur tombe sous la main, les faisant mourir et ressusciter autant de fois que nécessaire dans un masochisme et une cruauté à la tonalité comique irrésistible. À la fois réaliste et décalée, avec un travail sonore proche du cinéma et des effets spéciaux, la mise en scène portera cette forme à laquelle on ne peut pas vraiment croire mais tout de même un peu dégoûtante. Et ce sera pour rire bien entendu !