CCFD - Terre Solidaire
Une nouvelle exposition inédite de Ismail Abu Hatab, photographe journaliste, cinéaste et conteur palestinien tué, le 30 juin 2025, par une frappe israélienne sur le café Al-Baqa.
Ce lieu emblématique de Gaza était devenu son repaire, depuis que ses bureaux et sa maison avaient été détruits par la guerre.
Le jury du Prix Photo CCFD-Terre Solidaire a décidé de lui attribuer un Prix hommage.
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« ENTRE LE CIEL ET LA MER : LA VIE DES PERSONNES DÉPLACÉES SUR LES CÔTES DE GAZA ».
Une perspective intime et humaine, mettant en avant l’espoir et la résilience malgré les difficultés rencontrées.
« J’ai la conviction que chaque image raconte une histoire, et que chaque histoire peut provoquer un changement. »
C’est en ces termes qu’Ismail Abu Hatab parlait de son engagement professionnel.
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Né en février 1993 à Gaza, le Palestinien avait commencé la photographie à l’âge de 16 ans. Il documentait déjà à cette époque les rues de sa ville, là où « la vie quotidienne, l’art et la lutte s’entrecroisent », aimait-il dire.
Peu à peu, il s’est tourné vers la réalisation de films documentaires et artistiques, avec, comme boussole, la volonté de témoigner de « la résilience du peuple palestinien et de la réalité brute de la vie en temps de conflit ». Durant sa carrière, Ismail Abu Hatab a collaboré avec de nombreuses ONG et organisations internationales, ainsi qu’avec des médias reconnus. Il avait rejoint l’association palestinienne Pyalara (Palestinian Youth Association for Leadership and Rights Activation) pour laquelle il formait des jeunes aux médias. Il avait également fondé sa propre société de production, cLight, en 2018 et, plus récemment, ByPA (By Palestine), une plateforme destinée à promouvoir la créativité visuelle et graphique de la jeunesse palestinienne.
En novembre 2023, un mois après le déclenchement du conflit entre Israël et le Hamas, Ismail Abu Hatab est grièvement blessé à la jambe dans le bombardement de la tour Al-Ghafri, à Gaza. « J’ai perdu la capacité de marcher pendant plus d’un an, racontait-il. Durant ma convalescence, avec une béquille dans une main et un appareil photo emprunté à un ami dans l’autre, je me suis rendu sur la plage de Deir al-Balah. Là, j’ai rencontré des familles de déplacés. J’ai commencé à documenter leur vie. Ces gens n’ont jamais été pour moi des statistiques ni des victimes, mais des êtres humains ayant des noms, des rêves et une mémoire. »
Sur les rives de la Méditerranée, entre le ciel et la mer, Ismail Abu Hatab capte l’âpreté du quotidien en temps de guerre. Ces milliers de personnes vivant dans des tentes de fortune, à même le sable, doivent faire face à des conditions de vie sordides, mais aussi aux menaces des attaques aériennes et aux ravages de la pollution qui rendent la pêche impossible. Mais malgré l’inquiétude et le dénuement, malgré la douleur et les difficultés, le Palestinien veut montrer « comment les gens — en particulier les enfants — continuent de vivre, de jouer et de s’accrocher à l’espoir et à la vie ». « Cette série est ma manière de résister à l’oubli et au silence, disait-il, mais aussi de m’exprimer, de raconter ma propre histoire, mon propre passage “entre le ciel et la mer”. C’est un cri visuel et humain venu de Gaza, pour que le monde voie ce que l’occupation tente d’effacer. »
Ses dernières heures, Ismail Abu Hatab les a passées à préparer l’arrivée de son exposition Between the Sky and the Sea à Chicago. Fidèle à ses convictions, il avait pensé l’accrochage de cette série de manière immersive. « Je veux que le monde vive notre expérience de la guerre telle qu’elle est, qu’il entende le bruit des avions, des explosions, de la mer et les murmures des déplacés. » Si la voix d’Ismail Abu Hatab s’est tue à jamais, ses images et ses enregistrements, eux, restent.
Texte : Alexandra Nawawi
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