La Dernière bande
De Samuel Beckett
Mise en scène de Jacques Osinski
Avec Denis Lavant
« Viens d’écouter ce pauvre petit crétin pour qui je me prenais il y a trente ans, difficile de croire que j’aie jamais été con à ce point-là »… Chaque année, le jour de son anniversaire, Krapp fait le point sur sa vie et s’enregistre sur un magnétophone. Chaque année, il écoute quelques bandes anciennes et peste contre celui qu’il a été tout en se remémorant certains instants merveilleux et perdus. Il est à la recherche de l’instant T, du moment fondateur, celui de l’amour peut-être. « S_ois de nouveau, sois de nouveau._ ». C’est le temps qui passe et qu’on ne peut saisir… Après son succès à Avignon et au Théâtre de l'Athéne, reprise au Théâtre 14 de La Dernière bande. Avec ce spectacle, Jacques Osinski retrouve Denis Lavant pour la quatrième fois. Ensemble, ils poursuivent avec Fin de Partie en 2022, leur exploration de l'oeuvre de Samuel Beckett entamée en 2017 avec Cap au pire.
Avant la création du spectacle, Jacques Osinski écrivait :
'Il est un film un peu mythique réalisé par Samuel Beckett avec Buster Keaton. Buster y apparaît presque nu, dépouillé de tout ce qui faisait de lui le clown le plus merveilleux de l’histoire. C’est l’essence de Buster Keaton : L’homme et non plus le clown et pourtant le clown encore puisqu’on ne peut s’empêcher voyant l’homme Buster Keaton de penser à l’immense clown Buster Keaton.
Je songe à ce film en songeant à La dernière bande, à un Beckett tel qu’en lui-même et à Denis Lavant.
Un homme (« Visage blanc. Nez violacé. Cheveux gris en désordre. Mal rasé ») en pantalon trop court face à une peau de banane : Ainsi commence La dernière bande. Difficile de faire plus clownesque. Pourtant c’est d’autre chose qu’il s’agit. D’ailleurs Beckett lui-même lorsqu’il mit en scène la pièce au Schiller Theater en Allemagne avait atténué certains de ses aspects clownesques.
Denis possède l’art corporel des clowns et sait s’en dépouiller pour n’en garder que l’essence. Ensemble nous avons affronté Cap au pire de Samuel Beckett et ce fut pour nous deux une aventure forte, de celles qui resserrent les liens et donnent envie de recommencer, la rencontre avec une œuvre. Cap au pire a été un spectacle radical, exigeant, une plongée dans l’écriture où se posait sans cesse, en creux la question du corps : Comment l’écriture le travaille. Denis était immobile et pourtant rarement, je crois, le corps - souffle, muscles- n’a été aussi central dans un de mes spectacles. Nous étions suspendus à Beckett, cherchant la vérité de ses mots. Nous ne pouvions en rester là. Beckett disait que rien ne pouvait être affirmé sur son œuvre, qu'elle devait être perçue et qu'il fallait en faire une expérience. C’est ce que nous avons ressenti lors de la traversée de Cap au pire. C’est d’une telle expérience dont nous avons envie à nouveau.
Beckett a bouleversé le théâtre. Impossible après lui de faire du théâtre comme on en faisait autrefois. Et pourtant, c’est encore du théâtre. La dernière bande est peut-être pour moi la pièce de théâtre parfaite, celle qui atteint le point d’équilibre idéal entre la modernité qui sans cesse veut tuer le théâtre et l’éternité d’un art qui refuse de mourir. Ce n’est plus du théâtre et c’est encore du théâtre, quelque chose de très pur. "
Source : Open Agenda
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