Roman(s) national (création 2021) - Théâtre de la Tempête

« Les morts sont toujours parmi nous » nous dit un des personnages de la pièce. C’est bel et bien le cas au Musée de l’Homme et c’est la raison pour laquelle nous y avons déployé notre intrigue. Jusqu’au mois de juin 2020, on trouvait dans les sous-sols du Palais de Chaillot à Paris 37 crânes de résistants algériens tués par l’Armée française durant la conquête coloniale. Véritables trophées de guerre, ils avaient fait l’objet de plusieurs pétitions réclamant leur restitution au gouvernement algérien pour leur offrir enfin une sépulture. C’est désormais chose faite pour 24 d’entre eux depuis quelques jours. Ces ossements si longtemps oubliés sont, pour nous, révélateurs d’un angle mort dans la mémoire collective française. Il semble que l’un des grands défis de nos institutions en ce premier quart de XXIème siècle soit de considérer ce qui est encore un impensé de notre histoire coloniale. Sans cette prise de conscience, sans cette mise à jour du refoulé de l’histoire officielle, comment envisager un pacte républicain apaisé ? Notre création s’intéresse à la manière dont la République a forgé son identité à travers un récit singulier charriant dans son sillage quantité de références historiques et politiques. Roman(s) national tentera de questionner le dessein idéologique qu’impliquent de telles représentations collectives. De quoi cette mémoire sélective de l’Etat peut-elle être le nom ? Quels sont les implicites de la légende républicaine ? À la croisée entre fable politique, récit d’anticipation et conte fantastique, Roman(s) national raconte les dix derniers jours de la campagne présidentielle du parti conservateur libéral Horizon dont le siège se situe dans l’ancien Musée de l’Homme désormais privatisé. Les intérêts personnels se mêlent progressivement aux enjeux politiques, tandis que le système de croyance de notre candidat se met à vaciller au moment où, des sous-sols du QG de campagne, ressurgit la colère des anciens colonisés. En convoquant dans notre histoire des forces magiques et invisibles, notre volonté est de faire se télescoper deux territoires a priori incompatibles dans notre imaginaire contemporain : la sphère politique et le monde de l’invisible. Mais, un futur Président peut-il réellement croire aux fantômes ? Pour la première fois, nous avons choisi d’écrire une fiction. Jusqu’à présent, nous prenions comme point de départ les évènements historiques et politiques de notre passé français et européen. Aujourd’hui, nous souhaitons renouveler notre démarche et nous confronter à un nouveau processus d’écriture tout en continuant à défendre ce qu’on nous avons toujours défendu et qui nécessite un grand plateau : un théâtre épique et citoyen.