En RD Congo, à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu à l’Est du pays, un collectif de slameurs déclenche des « éruptions de mots » pour panser les maux des habitants blessés par l’état de guerre permanent et pour sensibiliser la population à ses droits vis à vis du pouvoir politique. Leurs aspirations et leur fonctionnement rejoignent ceux des militant·e·s de la LUCHA, ce mouvement important de la société civile congolaise qui a – entre autres – contribué à faire ployer l’ancien régime en place.
C’est de cette histoire entremêlée de slam et d’activisme militant dont il va être question ici. Dans une ville des Grands Lacs, région affectée depuis une trentaine d’années par un génocide et, à sa suite, par une série d’innombrables guerres et massacres, un collectif d’artistes de la parole qui baigne dans la lutte sociale pour le respect des droits humains aux côtés d’ONG et autres groupes de pression internationaux, déploie son action poélitique, au sens où l’entend Enzo Cormann : « qui tente de lier organiquement la construction de l’assemblée à l’incessante réinvention du drame – le politique à la poétique ». Nous verrons comment les modalités de constitution d’un ethos de l’artiste engagé sont ainsi redessinées dans et par ce contexte singulier.
Cet article s’appuie sur plusieurs séjours de terrain de longue durée réalisés à Goma et dans la région des Grands Lacs, entre janvier 2018 et juin 2021 ; un terrain qui a impliqué une fréquentation régulière des slameurs et un suivi constant de leurs activités, ainsi que l’élaboration de projets communs.
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