À quoi bon recréer un objet fonctionnel dans un matériau qui le rend inutilisable ? C´est la question qui se pose face à un objet comme le panier de laine (kalathos) en terre-cuite d´époque sub-géométrique qui me guidera dans mon questionnement : un objet qui imite la forme de son modèle (le panier à laine en vannerie) sans en conserver les propriétés matérielles et fonctionnelles - ou son 'affordance', pour faire recours à ce terme à la mode dans les 'material studies'. En tant qu´objet inutilisable, ce 'panier à laine' pourrait figurer dans le "catalogue d´objets introuvables" (Carelman) tous "garantis inutilisables" comme le précise la préface de ce classique du dadaisme. Recréé en un matériau inadapté et fait (selon toute apparence) pour être déposé en tombe ou dans un sanctuaire en tant qu´objet votif, il est ainsi doublement retiré du réseau qui unit les humains et les objets dans les pratiques du quotidien. Cependant, par la symbolique propre à sa forme qui fait référence au travail de la laine, activité féminine par excellence, cet objet néanmoins renoue avec ce réseau. Comme j´essaierai de le montrer, de nombreux objets (simples ou somptueux) qui nous sont parvenus de l´antiquité grecque partagent cette même phénoménologie. L´objet inutilisable s´avère tout à fait 'trouvable' dans l´époque pré-dadaiste que constitue l´antiquité grecque, et nous propose ainsi une nouvelle perspective sur l´anthropologie grecque des objets.
Intervenant Nikolaus Dietrich (université de Heidelberg)
À propos de ce séminaire
Ce séminaire réunit les étudiantes et étudiants (à partir du niveau master), chercheuses et chercheurs qui s’intéressent à l’analyse d’images antiques, grecques et romaines, dans une perspective anthropologique : comment les images qui nous sont parvenues ont-elles été produites, reçues, vues, regardées, utilisées, en fonction des supports qui les accueillent et les déterminent ? Comment peuvent-elles être utilisées comme des sources à part entière en histoire, histoire de l’art, iconographie, archéologie, anthropologie, en dialogue avec les autres médias et avec les textes, pour comprendre comment les anciens se représentaient, se regardaient, se pensaient dans leur environnement ?
En partenariat avec le laboratoire Anthropologie et Histoire des Mondes Antiques (ANHIMA)
Comité scientifique Cécile Colonna (INHA), Nikolina Kéi (ANHIMA), Alain Schnapp (université Paris 1 PanthéonSorbonne), Marie-Christine Villanueva-Puig (CNRS), Stéphanie Wyler (Université Paris Cité)
Source : Open Agenda
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