Pièce intensément polyphonique, [?aklin] Jacqueline, écrits d’art brut fait résonner des voix dont la farouche singularité remue l’oreille autant qu’elle secoue l’esprit. Issus d’Ecrits bruts, livre séminal de l’historien d’art suisse Michel Thévoz (grand zélateur de l’art brut), trouvés dans les archives de l’hôpital Sainte-Anne à Paris ou ailleurs encore, différents textes se mêlent et se font écho. Au centre de cet ensemble chaotique se trouve Jacqueline, bouleversante jeune femme sous influence. Rompu au malaxage de mots hors normes (voire « hénaurmes »), particulièrement jubilatoire dans son truculent festin scénique adapté de Rabelais (Pantagruel), le comédien Olivier Martin-Salvan s’empare de toutes ces paroles non conformes, d’une saisissante puissance expressive, les incorpore et les régurgite avec un mélange remarquable de hardiesse et de délicatesse. Tel un caméléon borderline, affublé d’un improbable fatras vestimentaire multicolore, qu’il traîne tout du long, il se métamorphose régulièrement. Fauve en liberté, il tourne autour d’une cage métallique à l’intérieur de laquelle se trouve son unique compagnon de traversée, l’aventureux musicien Philippe Foch. De frappes en frôlements, de caresses en grincements, au moyen d’instruments et de matériaux divers, celui-ci élabore en direct une palpitante bande sonore aux riches modulations. Parfaitement accordés, jusque dans leurs dissonances, les deux acolytes plongent ensemble – et nous entraînent – dans de troubles abîmes aux fulgurants éclats poétiques.
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