Bcmg#80 Hard Science Vs Pantoufles Fiction/Voyage dans le temps - Cinéma Le Majestic Lille

Quand on pense au cinéma de science-fiction et fantastique, on ne peut s’empêcher d’imaginer des films perclus d’effets spéciaux et d’images synthétiques. Et quasiment tous ces films (bons ou mauvais d’ailleurs) n’ont qu’un volonté : montrer leurs muscles, et écraser leur spectateur au tractopelle !

BON CHIC MAUVAIS GENRE dit non ! Votre soirée double programme consacré au cinéma transgressif, délirant, rare et précieux – programmée par les projectionnistes du cinéma Le Majestic de Lille en partenariat avec les sites Matière-Focale.com et la revue Distorsion – revient ce vendredi 1er décembre avec un programme fantastique/SF ahurissant, qui va vous montrer qu’on peut atteindre des abysses d’émotions et des vertiges de sensations avec quasiment zéro effet !

BON CHIC MAUVAIS GENRE va vous larguer dans un cosmos vertigineux avec un élastique et un trombone.

Et nous sommes prêt à parier que ces deux films vont vous transporter aussi loin qu’un 2001 (j’exagère un poil pour la beauté du geste !) ou qu’un GRAVITY, excellents films au demeurant ! Pour se faire, nous vous proposons donc de voyager dans le temps !


19H 20 : PRIMER de Shane Caruth – USA – 2004 – 77min – VOSTFR- copie 35mm
Avec : Shane Carruth, David Sullivan, Casey Gooden, Anand Upadhaya, Carrie Crawford, Jay Butler, John Carruth, Ashley Warren...

Aux USA, 4 ingénieurs passent leur temps libre à concevoir des machines et tenter des expériences dans l’espoir, un jour, de pouvoir breveter l’une de leur découverte. Deux d’entre eux, Aaron et Abe, travaille sur un dispositif destinée à réduire la masse des objets. Malgré le temps passé sur ce projet, les résultants sont assez peu probants. Ils découvrent cependant par hasard que leur machine a une propriété inattendue et extraordinaire…

Sorti en France dans l’anonymat le plus complet en 2007, ce premier film de Shane Carruth avait pourtant gagné le fameux Grand Prix du festival de Sundance 3 ans plus tôt. Et pour une fois, ce fameux festival a primé un film complètement fou et ambitieux !
PRIMER est un film qui ne ressemble à aucun autre. S’il reprend certains d’éléments qu’on retrouve dans d’autres films ou livres de science-fiction parlant du temps, PRIMER s’approprie autant ces thématiques qu’il ne s’éloigne du reste de ses confrères. Le résultat est HAL-LU-CI-NANT (j’insiste), tant en terme d’inventivité scénaristique ou de mise en scène.

Le spectateur, dans les premières minutes du film, observe de manière médusé les expériences de ces ingénieurs. On semble nager dans ce que les amateurs de littérature SF appelle la "hard science", à la différence qu’ici nulle culture scientifique n’est indispensable pour comprendre le film. Carruth nous ballade, nous perd, nous retrouve et nous surprend dans une spirale totalement folle, mettant nos cerveaux et nos âmes à ébullition. On devrait être complètement dépassé par les démarches scientifiques de ces inventeurs -et on l’est la plupart du temps, car on comprend parfois à peine ce qu’ils disent ou sur quoi portent leurs travaux-, et pourtant, bien au contraire, le film nous happe et ne nous lâche pour devenir un sublime thriller scientifique, totalement haletant.

Quand l’élément fantastique et les jeux sur le temps débarquent dans le film, le suspens devient infernal d’autant plus que l’histoire s’encre dans un quotidien tout à fait réaliste. PRIMER finit par nous retourner le coeur et nos conscience, car derrière les montagnes de questions vertigineuses que posent l’invention des deux héros, c’est un abysse cosmique qui s’ouvre nos pieds lorsque l’humain et le sentiment entre en jeu et fout la pagaille.

Pas de rayons lasers, pas de voyage vers d’autres galaxies dans PRIMER, et pourtant le film laisse un sentiment de totale sidération. Tourné avec un budget ridicule (7000 dollars), Shane Carruth signe pourtant ici une mise en scène ultra-soignée, très intuitive parfois, très composée souvent. Les décors sont pertinents, la photo soignée, mais c’est encore plus le travail sur le cadre et le montage qui épatent. Carruth multiplie les points de vue et les possibilités d’événements (rééls ou supposés tels) et commente ainsi, parfois sans qu’on s’en rendre compte, son histoire en y introduisant des nuances et des paradoxes qui laissent sans voix.

Bref, PRIMER est un film à la fois limpide et complexe, hors des sentiers battus, avec un suspens rare. Et en plus, c’est beau. Il faut d’urgence redécouvrir ce film !



21H15 : DEAD ZONE de David Cronenberg– USA/Canada – 1983 – 103min – copie numérique restaurée (dcp).
Avec: Christpher Walken, Martin Sheen, Brooke Adams, Tom Skerrit, Herbert Lom, Anthony Zerbe, Colleen Dewhurst...

Au début des années 80, John Smith (Christopher Walken), professeur de littérature dans un petit collège du Colorado, mène une vie tranquille. Un soir, sa voiture percute camion. John reste 5 ans dans le coma. A son réveil, ses jambes sont en miettes et il s’aperçoit que sa petite amie (Brooke Adams) s’est marié avec un autre et est devenue mère de famille. Mais le choc de l’accident a laissé d’étranges séquelles à John : quand il touche la main des gens, il peut voir leur passé, et parfois leur futur. Et un jour John serre la main du principal candidat à l’élection présidentielle. Tout bascule...

DEAD ZONE est un œuvre assez atypique pour David Cronenberg qui signe là son premier film « commercial ». Pour adapter le roman du célébrissime Stephen King, il brise ses habitudes en adaptant un scénario qui, pour la première fois n’est pas écrit par lui. Cronenberg reste fidèle et reprend pour lui l’ambiance du livre, assez touffu et pas si évident à adapter en 90 minutes, en installant une SF (ou un fantastique) ne se basant que sur un seul élément extraordinaire (le toucher de la main qui dévoile l’avenir), et en traitant tous les autres éléments de l’histoire de manière simple et quotidienne, et ce malgré la présence de l’élément thriller contenu dans le film. DEAD ZONE est donc l’oeuvre la plus « naturaliste » de son auteur qui applique également cette méthode dans sa mise en scène où peu d’éléments stylisés apparaissent, laissant la place à un montage simple et efficace, dans lequel se promènent souvent des mouvements de caméra ou des cadrages subtils. Pour la première fois, il n’y aura quasiment pas d’effets spéciaux, pas d’effet gore.

Voilà qui colle parfaitement au récit, car le parcours de John Smith est celui de la solitude et de l’enfermement dans une destinée qu’il n ‘a pas choisie mais qu’il embrasse de manière banalement héroïque, quitte à se mettre définitivement en marge de la Société et d’un confort bourgeois auquel il aurait pu aspirer. Car DEAD ZONE est aussi ça : un portrait sarcastique et mélancolique du paysage social et politique américain, notamment à travers une galerie de seconds rôles finement écrits.

La musique de Michael Kamen souligne l’atmosphère poignante du film avec une force certaine, mais c’est surtout le casting , très bien choisi, qui apporte une dimension déchirante supplémentaire. Walken est d’une implication rare, Sheen est parfait en futur président populiste, et on peut noter par ailleurs les prestations magnifiques de la trop rare Brooke Adams et de l’excellent vétéran Herbert Lom.

DEAD ZONE est un film qui, s’il part sur des bases classiques et hollywoodiennes, distille un venin amer, et rend avec force le sentiment de solitude absolue de son héros. Cronenberg réalise donc un film fort et subtil , et il finit par se réapproprier avec élégance une trame assez classique.

Dress-code de la soirée (3 dvd à gagner pour le meilleur déguisement !): scientifique, frigidaire, extincteur, policier, infirmier(e), docteur, chauffeur routier, président de la république, dictateur, militaire, serial killer, institueur/professeur, Stephen Hawking ou spectateur du Majestic. Les prix pour le concours de déguisement sont donnés au début de la deuxième séance !

Réservations possibles dés le lundi 27 octobre à la caisse du Cinéma Majestic à Lille. Soirée proposée par le site Matière Focale.com, le magazine Distorsion et les projectionnistes du cinéma Majestic. Tarifs: 13 euros les deux films / 1 film aux tarifs habituels.

Les cartes UGC illimitées fonctionnent pour les deux films !

Invitez vos amis via cette page !

Prochaine séance de Bon Chic Mauvais Genre: le 10 janvier 2018, spéciale "Mondes Parallèles/La vértié Est Ailleurs"