Philippe Hellebois et Thomas Roïc
exploreront les figures de l'étranger dans l’œuvre de
Sorj Chalandon
« - Tu veux savoir ce qui m’a mis en colère, hier soir ? (…)
Et il m’a expliqué. Le problème n’était pas que maman sorte seule le soir, avec cette conne de Madame Labarrès, mais qu’elle aille écouter les Compagnons de la Chanson. C’était ça le problème. Lorsque le groupe avait été fondé, en 1941, mon père avait vingt et un ans. Ses copains s’appelaient Fred, Jo, Jean, Guy, (…) Et c’était lui, André Choulans, qui avait eu l’idée de cet ensemble vocal. Mon père était ténor, comme trois de ses copains. Il y avait aussi trois basses et trois barytons. (…) Seulement voilà. En ces temps de guerre, la guerre des ténors a eu lieu. Mon père était de trop. Une voix bien supérieure aux autres. Il attirait seul la lumière.
- Tu nous écrases, m’ont dit les copains.
Alors il a quitté le groupe, et brisé sa vie.
- Je suis parti pour que les compagnons existent, a expliqué mon père.
Il s’est assis sur mon lit. Sans qu’ils le sachent, c’est encore lui qui avait conseillé à Piaf d’assister à l’un de leurs galas, en 1946. Il a regardé la môme dans son coin de salle, bouleversée par ce qu’elle entendait. La fille et les garçons feraient route ensemble. Il avait gagné. Mais il leur en voulait pour toujours. Et refusait que sa femme applaudisse ceux qui l’avaient trahi. »
Sorj Chalandon, Profession du père, Paris, Le Livre de poche, p. 26-27.
Entrée libre
acceuil 20h
début 20h30
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