Maison individuelle Alain Pati, 1975 « En bout d’impasse, sur un terrain allongé et étroit, l’habitation a trouvé place entre un arbre majestueux et le bosquet qui colmate le fond de la parcelle. La construction est basse. Peu visible des deux rues qui la bordent. C’est un monde retiré, un jardin secret habité, un moderne cottage où l’on accède par un étroit passage sur la rue. On semble s’être installé là discrètement, sans tumulte et sans dédain, sans rien déranger qui n’était déjà là. Seule la ponctuation concave de la toiture du séjour se hausse, fantaisie distincte de la nappe des toitures-terrasses couvrant l’ensemble des autres volumes. Une distribution souple de ceux-ci (chaque pièce ou presque ayant son aire) branchés sur une circulation centrale, les met en contact direct et varié avec l’extérieur, laissant deviner des formes d’intimité, de contacts, d’ambiances renouvelés et de parcours changeants. Il y a sans doute bien des agréments à vivre dans cette campagne pleine de surprises et d’urbanité. » Extrait du Guide de l’architecture moderne et contemporaine du Territoire de Belfort, Roland Galli, 2022.
L’étang des Forges Atelier Villes et paysages, 2018 Des Forges, l’étang a gardé le nom ; du Martinet, il reste, outre le lieu-dit, un canal dérivant la Savoureuse et quelques échos, peut- être, dans le cri métallique des foulques. Le grand pré — ourlé de la végétation opulente bordant la dérivation — donne à l’endroit sinon son ampleur, au moins sa profondeur et sa lumière. Les chemins divergents, pour le traverser, se redressent et allongent le pas, traçant l’enclos d’allées filant vers l’étang ou cherchant l’asile des frondaisons. Des passerelles de madriers et des balcons donnent accès aux coulisses de ces fourrés. Rien de fastueux dans ces fabriques ajoutées, mais des formes simples et sûres pour voir, se tenir ou passer. Ces circulations et paliers, faites d’un simple assemblage de charpenterie, aussi sobres qu’une estacade lacustre, pénètrent à peine le bois ennoyé, surplombent ou enjambent mares et mouillères, passant de l’étendue radieuse et placide, certaine, à un monde ombreux, muable et chatoyant. Ailleurs des pontons, de même venue, habillent de leurs fermes et calmes grèves le miroir assoupi de l’étang. Extrait du Guide de l’architecture moderne et contemporaine du Territoire de Belfort, Roland Galli, 2022.
Maison-atelier des Messagier Jean-Louis Véret, 1962 En 1962, l’artiste peintre Jean Messagier (1920-1999) et sa femme Marcelle Baumann-Messager céramiste, originaires de la région, souhaitent agrandir et remanier un ancien moulin qu’ils possèdent à Lougres afin de revenir vivre et travailler dans leurs pays d’origine. Il s’agira pour Jean-Louis Véret, un de leurs amis, architecte, de concevoir un logement et deux ateliers pour le couple d’artistes.
Située à proximité du carrefour où se joignent les routes d’Héricourt, Montbéliard et Besançon, la maison-atelier est isolée du village de Lougres et de Colombier-Fontaine sur l’autre rive du Doubs. Située en contrebas dans les voies, la construction est à peine visible dans les ramures des arbres qui la serrent de près. L’hiver permet cependant une vision partielle ou fugitive de l’ensemble dont on saisit surtout la forme bizarre de la toiture.
Décollé à l’origine du sol-support, la nouvelle maison, construite sur de forts pilotis, se développe sur trois niveaux : cuisine et salle à manger au premier niveau, chambres au second, atelier de céramique, un demi-niveau au-dessus, la salle de séjour, au niveau des arbres, étant le point culminant de ce parcours vertical. On retrouve dans ce dispositif général un certain nombre de principes mis au point par Le Corbusier dans ses propres constructions, notamment l’idée de la maison boîte en l’air qui permettra à ses habitants de tutoyer les écureuils. L’ensemble maison et moulin combine formes traditionnelles et formes modernes, passant de l’une à l’autre, le béton brut pénétrant le moulin, un toit coiffant la nouvelle maison.
Cette toiture à la forte expression, où se retrouve un peu du geste dynamique du peintre, signe (paradoxalement) la modernité de l’ouvrage. Rompant avec les formes claires des géométries du Purisme*, sa forme réintroduit dans l’ascèse formelle de l’avant-garde architecturale une voie qui ne dédaigne pas le lyrisme.
Le système constructif – qui n’est pas sans rappeler les maisons traditionnelles japonaises – apparaît monté comme un meuble avec sa structure et ses remplissages alternant panneaux opaques blancs et panneaux vitrés. La toiture conçue à l’origine en panneaux de bois a dû être à l’usage remplacée par une toiture en cuivre. Une partie du sol-support, à l’origine entièrement ouverte, a été, depuis, construite, modifiant résolument et malheureusement, le parti du décollement pris au départ. Cette extension, qui apparaît comme un soubassement, réintroduit une forme d’ancrage traditionnel, qui gomme en grande partie l’idée de la boîte en l’air.
*Purisme : mouvement artistique créé en création au cubisme dont les théoriciens principaux sont Amédée Ozenfant et Le Corbusier. Il prône un retour aux formes géométriques simples où l’harmonie est recherchée essentiellement dans les proportions, par exemple, la section d’or.
Jean-Louis Véret est né en 1927 à Paris. En 1945, il entre à l’ENS des Beaux-Arts de Paris, à l’atelier Gromort-Arretche. Avant de passer son diplôme, il travaille lors d’un voyage au Maghreb et en Egypte, sur des constructions en terre avec Michel Ecochart. Il fait ensuite un stage chez Le Corbusier puis travaille comme architecte d’opération sur les projets de Chandigarh et d’Ahmedabad en Inde. En 1958, il crée l’Atelier de Montrouge avec trois autres architectes : Pierre Riboulet, Gérard Thurnaeur et jean Renaudie. Ils réalisent des bâtiments avec des matériaux bruts comme le village de vacances de Merlier à Cap Camarat, la bibliothèque pour enfants de la cité de la Plaine à Camarat (1965), des immeubles EDF à Issy-les-Moulineaux (1963), et à Ivry-sur-Seine (1967). L’atelier est dissout en 1978. Jean-Louis Véret sera chargé de 1965 à 1981 de la restauration de la Villa Savoye.
Passerelle-mirador Goetschy+ Cabello, 2021 Cette passerelle a été commandée par la commune pour faciliter le passage des piétons de l’une à l’autre rive du Doubs. La mairie souhaitait également que le projet s’intègre avec le pont routier et offre une vue sur le canal. Pour respecter le programme, la structure composée en bois et métal a été pensée de manière à rendre la passerelle presque « transparente ». Une poutre en lamellé-collé crée un axe central sur toute la longueur. Elle supporte des portiques qui soutiennent une fine toiture et les tabliers. Cela libère au maximum les vues de chaque côté. La couverture en bac acier permet un dialogue avec l’environnement proche. La relation avec le pont routier est traitée par le filet toute hauteur destinée à accueillir de la végétation grimpante, le but étant d’isoler la façade du pont qui ne s’ouvre pas sur le canal. Enfin, le bâtiment répond à une demande de durabilité. L’utilisation d’un mélange de différents bois massifs et de petits éléments en acier inoxydable permet une optimisation des matériaux. Le bois est un matériel biosourcé qui, selon l’essence utilisée, a différentes propriétés. La conception prend en compte l’exposition de chaque pièce (aux vents, à la pluie) pour choisir les essences à utiliser (chêne, mélèze, sapin). Cela maximise la durée de vie de la passerelle. La qualité architecturale et paysagère du projet ainsi que la maîtrise technique démontrée dans sa mise en œuvre lui ont permis d’obtenir le 1er prix national de la Construction bois en 2022, catégorie « aménagement extérieur et intérieur ».
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